L'inventaire permanent des coléoptères de Côte-d'Or 1829-2016
Les débuts : le Premier cycle de l'inventaire (1829-1908)
C'est en 1829 que fut fondé l'inventaire permanent des coléoptères de Côte-d'Or, 7 ans avant le MJSD. Sciences naturelles et entomologie étaient alors des passes-temps en vogue dans la bonne société. Mais il existait aussi des motivations plus urgentes. Le rendement agricole était alors une question vitale et on doit reconnaître que les coléoptères sont toujours ingéniés à le réduire. Cette question se posait évidemment dans toute la France. En Côte-d'Or, il y avait en plus le cas particulier du vignoble, qui était alors bien plus étendu qu'aujourd'hui où il se réduit à ce qui a traversé la grande épidémie de phylloxéra de 1863-1885.
Trop peu de documents nous sont parvenus pour nous permettre d'identifier celui des entomologistes de cette époque qui devrait être crédité de l'idée originale. Tout au plus subsiste-t-il quelques traces de leurs échanges dans nos archives. On sait seulement que les pères fondateurs comptaient dans leurs rangs Mrs Rouget et Nodot. Le second devint le premier conservateur du MJSD, à sa création par la mairie de Dijon en 1836.

La Côte-d'Or est un département qui présente plusieurs particularités dont la première, qui est ressentie par quiconque se met en devoir d'inventorier des animaux d'une taille le plus souvent inférieure au centimètre, est sa superficie considérable qui en fait le cinquième plus grand département. Son relief, sa position le long des gradients climatiques européens et les pratiques d'aménagement concourent à y engendrer un milieu naturel à l'allure d'un patchwork qui juxtapose des biotopes très difféfrents les uns des autres. Ces facteurs en rendent l'inventaire compliqué, car ils imposent de devoir simultanémen travailler sur de longues distance, tout en restant à une échelle fine. C'est à dire qu'il faut un nombre de sites considérables. Les progrès accomplis dans les transports depuis l'époque des fondateurs pourraient laisser penser que cette affaire se négocierait plus facilement aujourd'hui et que nos pairs étaient désavantagés, quant à eux. Rien n'est moins sûr. Pour des raisons agricoles, il y avait alors bien plus d'entomologistes qu'aujourd'hui. Ils purent pallier à la lenteur des moyens de transports de leur temps en s'organisant en réseau. Quelques uns des membres de ce réseau apparaissent dans la liste des personnes auxquelles Rouget envoya son ouvrage.
En 1829, les r&ecute;flexions sur les méthodes d'échantillonnage n'étaient pas à l'ordre du jour. Le travail s'organisa de manière spontanée en étapes qui se reproduisirent ` chaque cycle :
- recueil des observations par le réseau ;
- synthèse des observations (dans le cas du premier cycle, on pense qu'elle a été rélisée par Mrs Loreaux et Philibeau) ;
- publication, qui fut assuré sous la forme d'une série d'articles par Auguste Rouget entre 1854 et 1860 ;
- formation des jeunes entomologistes qui prirent le relai pour le cycle suivant.
À cette époque, on ne théorisait pas les stratégies d'inventaire. Le travail de ce cycle s'organisa donc d'une manière spontanée et pragmatique, qui demeura le mode d'organisation des cycles suivants :
- collecte des données ;
- collationnement (à l'examen des écritures manuscrites, nous supposons qu'il fut l'œuvre soit de Mr Loreau soit de Mr Philibeau ;
- publication (ici rédigée par Auguste Rouget) ;
- formtion des entomologistes du cycle suivant et collecte de compléments
La dernière phase fut l'occasion d'une grande quantité d'observations encore largement inédites aujourd'hui, mais que nous nous préparons à publier. Il y eut bien entendu une interruption de l'effort d'inventaire entre 1870 et 1871, période à laquelle la Côte-d'Or s'était transformée en la "Côte de fer" (selon le mot d'un général bavarois) : un champ de bataille où l'armée des Vosges sous le commandement de Garibaldi affronta dans chaque village entre Nuits-Saint-Georges et Châtillon-Sur-Seine successivement les armées badoises, bavaroises puis finalement prussiennes. Dans la population, le traumatisme fut d'autant plus grand qu'il se concrétisa par des restes sinistres et persistants jusques aujourd'hui.
Dans la population, le traumatisme fut grand. On reste donc admiratif devant la conscience professionnelle de nos pairs qui reprirent leur œuvre aussitôt qu'à l'été 1871. Au passage, ils nous renseignèrent sur les introductions involontairement effectuées par l'envahisseur, à l'instar de l'Harpalus caspius Steven (Coleoptera Carabidae), espèce d'Allemagne orientale (aujourd'hui Pologne), qui fut trouvé à peu de distance du lieu de la 3ème bataille de Dijon qui impliqua précisément des troupes prussiennes.
Le premier cycle prit fin en 1908, au moment du leg de la collection Philibeau.
Le second cycle de l'inventaire (1936-1990)
De 1918 à 1936, les observations se firent éparses, car les observateurs vinrent à manquer pour les raisons historiques qu'on s'imagine.
En 1936, lors que le Pr Pater de l'Université de Bourgogne comprend que Rouget commit un grand oubli en ne poussant pas son exploration du Val-Suzon qui s'était restreinte à la Fontaine de Jouvence, l'un des survivants du premier cycle, le comte de Commarin forme le jeune Jean Barbier qui effectue ses toutes premières captures à Esbarres, dans le Val de Saône.
Mais c'est dè son retour d'exil en 1944, que Jean Barbier commence à produire le plus gros de son effort. Le hasard voulut que sa famille possédât trois villégiatures à Esbarres, Dijon et Gevrolles. Autrement dit, elles s'alignaient le long d'un transect sud-nord au travers de la Côte-d'Or. Comprenant l'intérêt de cette situation, il se mit en devoir de le parcourir avec une constance qu'il maintint pendant plusieurs décennies et qui accroît d'autant la valeur de son considérable inventaire.
Son intérêt allait aux plus petites bêtes, ce qui est heureux, car il s'attaqua à des taxa difficiles. Délaissés par ses collègues, ils n'auraient pas fait l'objet d'un suivi sans son intervention.
Bien d'autres participèrent à ce cycle, dont certains œuvrent toujours à la Société Entomologique de Dijon et leur contribution fut indispensable, car elle compensat le moindre effort que J. Barbier consacra aux grosses bêtes. On les retrouvera dans nos publications.
Avec Mrs Roguenant, Fonfria, ils entreprirent aussi d'assurer la poursuite de l'inventaire en fondant en 1970 la Société Entomologique de Dijon et en l'inscrivant dans ses statuts. C'est notre société, qui effectivement acheva ce cycle.
Le troisième cycle de l'inventaire (1990 - 2023)
Le cycle actuel s'insère dans un tout nouveau contexte. Le changement climatique, les réflexions autour des pratiques de gestion, la mise en place de réserves naturelles imposent de repenser les méthodes de travail de l'inventaire. il en résulte de profondes différences par rapport aux deux précédents.
Bien sûr, l'objectif demeure d'établir la liste des espèces du département. Mais l'information entomologique intervient dorénavant dans les processus de décision de gestion du territoire, aussi bien dans le cas de territoires sous statut de protection que dans celui de territoires de nature ordinaire.
L'inventaire couvre tout le département. La Société Entomologique de Dijon travaille quotidiennement ` équilibrer l'effort entre les milieux et les régions naturelles. Il témoigne de ce qu'étaient les faunes avant l'industrialisation, les remembrements agricoles et le réchauffement climatique. Grâce à lui, nous savons ce qui a changé depuis.
Actuellement, la Société Entomologique de Dijon est en train de collationner les données du troisième cycle, en vue de l'édition de l'atlas départemental. Un premier volet est accessible en ligne : Le catalogue des Cerambycidae de Côte-d'Or par Mr Bouchy.
